Extrait du Livre Bleu CoDA intégral- traduit par CoDA France- 2025
Toute jeune, je me rappelle avoir eu conscience au plus profond de mon cœur de ma « préférence pour les filles ». Mais très tôt, j’ai aussi eu conscience qu’être gay, c’était enfreindre les règles. L’homophobie (la peur et l’oppression des personnes gays) s’infiltre très insidieusement dans l’esprit des jeunes gays.

J’ai donc intériorisé un incroyable arsenal de stratégies d’adaptation par rapport à cette facette particulière de mon être. Mon « faux-moi » codépendant a donc commencé à tourner à plein régime vers mes huit ans.
Petit à petit, je suis devenue l’un des secrets de ma famille. Au fil du temps, j’ai automatiquement commencé à me charger de la honte de ma famille (à leur place), à me sentir embarrassée pour eux et à faire toutes sortes de claquettes pour qu’ils n’aient pas trop à avoir honte de moi, cette fille ou sœur « queer » naissante.
Au lycée, j’étais brillante, j’enchainais les A. Ma volonté d’être la première était quasiment compulsive. C’était ma manière de les rendre fiers de moi, d’attirer leur attention. Me réfugier dans le sanctuaire des livres et de l’intellectualité étouffait mentalement les sentiments de perte, de honte, de faible estime de moi qui affleuraient sous la surface.

J’étais « l’intelligente » de la fratrie. Être intelligente était une de mes « couvertures » et donc une forme de « claquettes ». J’étais en sécurité derrière mes livres, j’évitais ainsi de ressentir l’abandon qui lorgnait à l’horizon des recoins non verbalisés de mon inacceptable orientation.
Au lycée, j’ai également découvert la sécurité et le pouvoir de me centrer sur les autres, leurs problèmes et leurs sentiments. Cela détournait ainsi toute l’attention de moi. Cela me ré-énergisait énormément d’être là pour les autres. Un autre « moi » a alors émergé, celui qui était nourri par un profond désir d’appartenance et d’intégration avec les autres. J’avais besoin d’être utile ; c’était une avidité et un vide grandissants qu’il me fallait combler au quotidien.
Me centrer sur les autres est devenu la source de ma valeur, car cela masquait ce que je ressentais vraiment au plus profond de moi : à savoir que j’étais dans l’erreur, sale, malade, repoussante et « inférieure » aux membres du monde hétérosexuel. La profonde blessure causée par ma « différence » et le manque de sentiment d’appartenance a été au cœur de ce que j’ai vécu pendant ces longues années qui ont précédé le rétablissement.

En raison de mon orientation sexuelle, j’ai été « reniée » par ma famille à plusieurs reprises. Ils m’ont retirée du testament et m’ont priée d’aller en « thérapie » de conversion. Etre constamment « en thérapie » et « travailler sur moi » devint l’une de mes méthodes codépendantes pour tenter de contrôler et de gérer l’impression que ma famille pouvait avoir de moi.
En effet, s’ils voyaient que je « recevais de l’aide » et que je faisais de sérieux efforts pour éradiquer toutes ces « imperfections » qui faisaient que j’étais telle que j’étais, peut-être que je serais tolérée voire aimée un jour. Peut-être que j’arriverais à mûrir et à me métamorphoser suffisamment pour qu’ils m’aiment.

Au cours de ma vingtaine, j’ai enchaîné les relations, en quête de validation. Je suis devenue accro aux relations, employant mes compétences à « faire plaisir » pour empêcher amantes et ami.e.s de me quitter. J’ai entendu des gens en réunion CoDA décrire comment ils retenaient en otage leurs amant.e.s, par dépendance affective et peur d’être abandonné.e. J’étais prête à tout pour « l’autre », juste pour qu’elle ne me rejette pas ou ne m’abandonne pas, comme ma famille d’origine.
Mon historique relationnel était devenu un véritable défilé d’alcooliques, de toxicomanes, d’addictes au sexe ou au travail. Ces personnes avaient « besoin de moi », mais, pour une raison ou une autre, elles étaient toutes incapables ou peu disposées à être pleinement présentes dans la relation – le cas classique des partenaires « indisponibles ». Mon addiction à elles, en tant que « co-reine », n’a cessé de croître au point de devenir incontrôlable. Ma vie était devenue ingérable. J’étais spirituellement en ruines.
Après avoir passé des années à dépenser une fortune avec plusieurs thérapeutes, j’ai enfin découvert les programmes en Douze Étapes. Les tortures ont pris fin – je suis arrivée dans les réunions sur les rotules et j’y suis restée depuis lors. Merci, Dieu !
C’est chez CoDA que j’ai pu dévoiler ma douleur pour la première fois, et finalement ma propre personne, devant des salles remplies de gens qui ne m’ont ni jugée ni critiquée pour ce que j’étais. J’ai été invitée à prendre part au processus de rétablissement à ma guise, et il m’a fallu pas mal de temps pour laisser cette cordiale invitation ruisseler dans mon âme méfiante et hésitante.


Je n’ai pas eu à faire de claquettes, à me contorsionner, à me camoufler ou à prendre soin des autres pour être acceptée. Je n’ai pas non plus eu à porter et à assumer toute la honte sexuelle de la culture de l’époque. J’ai été soutenue et encouragée par d’autres ami.e.s CoDA à me débarrasser de ce conditionnement pas à pas, enveloppée à chaque instant par un sentiment vital et vibrant d’appartenance et de communauté. Les solutions et le processus étaient humains ; le chemin était également humain et, bien sûr, très spirituel.
Remettre ma volonté et ma vie aux soins de Dieu m’a permis d’accéder à un mode de vie où ma valeur n’était plus conditionnée par des facteurs externes. Pouvoir compter sur Dieu pour me guider et me soutenir a représenté un changement radical dans mon approche du quotidien. Il m’a permis de réécrire petit à petit mon histoire personnelle.


Avec l’aide de mon parrain, de la Puissance Supérieure et de toutes mes ami.e.s de la Fraternité, je continue d’apprendre que mes blessures de jeunesse ne sont pas ma destinée. Le truc, c’est de ne plus essayer de me fondre dans un moule ou de me reconstruire pour devenir quelqu’un d’autre (comme on m’avait tant conditionnée à le croire), mais plutôt de redécouvrir qui je suis, en tant qu’enfant de Dieu, un être précieux, digne d’être aimé tel qu’il est.
CoDA m’a apporté des outils, une communauté accueillante, de la structure (à mon ego) et le contexte spirituel dont j’avais besoin pour retrouver de la force, une force qui m’aide à ne plus fuir les souffrances passées et actuelles, mais juste à les ressentir.
Quand j’arrête d’essayer de réparer et de contrôler les autres ou ma propre vie, tout s’illumine. Je grandis tous les jours dans la foi et la confiance en l’ordre universel et dans la volonté que Dieu a à mon égard.

Je fais donc beaucoup moins de claquettes à présent, et la vie est bien plus calme. Je ne suis plus cette reine du psychodrame qui faisait tout et n’importe quoi pour retenir l’amour et l’attention des autres.
La sérénité fait du bien à mon système nerveux, et vraiment, tout va de mieux en mieux dans ma vie à mesure que je progresse. Il y a de la place dans le jardin de Dieu pour chacun.e d’entre nous, quel que soit notre mode de vie.
Laura J.
Texte intégral dans l’Annexe 7 du Livre Bleu CoDA France – tous droits réservés- CoDA France
Partagé dans le cadre de la politique d’usage raisonnable de CoDA – Crédit Photo Pexels

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