Etablir des limites saines

INTRODUCTION

Que nous en soyons conscient.e.s ou non, nous avons tous et toutes des limites. Nous allons essayer ici de définir ce que sont des limites saines et comment elles nous aident à développer des relations saines et aimantes avec nous-mêmes et avec les autres.

DÉFINIR SES LIMITES

Les limites séparent une personne, un lieu ou une chose d’une autre. Les limites sont des divisions verbales et physiques qui séparent nos identités, nos responsabilités, nos émotions, nos besoins et nos problèmes de ceux des autres.

Tout au long du processus du rétablissement, nous redécouvrons constamment que notre première responsabilité s’avère d’abord vis-à-vis de nous-mêmes. Les limites nous aident à clarifier à partir de quand cela ne relève plus de notre responsabilité et quand celle des autres commence. En établissant des limites saines, nous apprenons peu à peu à nous occuper de nos problèmes et accordons aux autres ce même privilège. Les limites concernent tous les aspects de nos vies, par exemple :

Spirituel
Relationnel
Sexuel
Corporel
Emotionnel
Intellectuel

La règle CoDA « Pas de commentaires » sur les partages en réunions est un bon exemple de limite saine. Cette limite essentielle nous aide à nous concentrer sur nous-mêmes, au lieu d’essayer de rectifier ou de réparer les autres. Apprendre à établir et à maintenir des limites saines est l’un de nos meilleurs outils de rétablissement.

ÉTABLIR DES LIMITES VIS-A-VIS DE SOI

Après avoir développé une compréhension intellectuelle et émotionnelle de ce que sont les limites et de notre besoin d’en avoir, nous découvrons souvent qu’un bon point de départ est de nous connecter avec nous-mêmes. Au cours de ce processus, nous réalisons qu’il s’agit d’abord d’établir de nouvelles limites avec nous-mêmes. Ces limites sont subtiles ; elles peuvent sous-entendre le déni de nos ressentis, la déconnexion de nous-mêmes, l’envie d’entrer en intimité pour plaire à quelqu’un plutôt qu’à nous-mêmes, ou encore la pensée obsessionnelle.

« J’avais des insomnies parce que je n’arrivais pas à interrompre mon « rongeur de frein » intérieur. Maintenant, j’écoute attentivement cette partie de moi, j’écoute ce qu’elle a à me dire mais je lui fixe aussi une limite. Je lui dis : « OK, je te donne 15 minutes de plus, mais après, j’ai besoin de dormir. » Ça fonctionne bien chez moi. » ( membre CoDA)

En nous fixant des limites saines, nous nous libérons peu à peu de nos compulsions. Nous sommes alors en mesure de travailler sur notre manière de processer nos ressentis et d’avancer dans notre rétablissement. Poser des limites plus saines nous permet d’être en lien avec des parties de nous que nous avions enfouies pendant la majeure partie de notre vie. En prenant davantage conscience de notre monde intérieur, nous apprenons à nous écouter et à faire confiance à nos intuitions et à nos ressentis.

ÉTABLIR DES LIMITES VIS-A-VIS DES AUTRES

Nous découvrons aussi le besoin de fixer des limites dans nos relations existantes. Ces relations peuvent concerner notre partenaire de couple, nos enfants, nos parents, nos frères et sœurs, notre belle-famille, nos ami.e.s, nos collègues et même de parfaits inconnus. En examinant nos limites, nous pouvons nous demander : « Suis-je en train d’essayer de contrôler cette personne ? ». Nous poser la question nous aide à trouver un juste milieu entre ces deux extrêmes : contrôler les autres ou laisser les autres nous contrôler.

Nous avons besoin de fixer des limites plus saines pour éviter de nous oublier dans la prise en charge, la réparation, le sauvetage ou le contrôle d’autrui. Nous devons également poser des limites vis-à-vis de ceux et celles qui tentent de nous contrôler en nous disant quoi penser, comment nous sentir ou nous comporter. Établir des limites saines nous permet de poursuivre notre chemin dans le rétablissement tout en apprenant à prendre soin de nous.

« Je passe énormément de temps au téléphone. J’ai découvert que me fixer une limite de durée d’appel m’aidait à respecter mon emploi du temps. Sans cette limite, je me sentirais en colère par rapport au temps passé au téléphone, et mon agenda serait ingérable. » (membre CoDA)

EVALUER SES LIMITES

Savoir déterminer si nos limites sont adéquates ou pertinentes est une étape vitale dans notre processus de rétablissement. Nous pouvons par exemple nous demander :

Suis-je en colère ?
Est-ce que je me sens utilisé.e par quelqu’un ?
Ai-je le sentiment de subir un abus ?
Est-ce que j’ai du ressentiment ?
Est-ce que je me sens isolé.e ?
Ai-je peur ?
Est-ce que j’ai l’impression d’être comme un.e enfant ?
Est-ce que mes limites (ou mon manque de limites) me permettent de maintenir des relations saines avec les autres et avec moi-même ?

Si nos limites sont trop rigides, nous risquons de ne pas être en mesure d’établir des relations intimes avec les autres. En redéfinissant ces limites devenues trop rigides, nous redécouvrons des questions fondamentales telles que la confiance et la vulnérabilité. Si ces limites rigides ont pu nous protéger par le passé, elles peuvent aujourd’hui nous empêcher d’atteindre des degrés satisfaisants d’intimité. Lorsque nous nous sentons en capacité de prendre soin de nous, nous pouvons apprendre à assouplir ces limites devenues trop rigides.

En évaluant nos limites, Il se peut que nous découvrions que nos limites ne sont pas assez fermes voire inexistantes. A nouveau, nous pouvons nous fier à nos ressentis et nous laisser guider lorsque nous nous sentons abusé.e.s ou quand nos vies deviennent ingérables. Nous apprenons à reconnaître et à faire confiance à ces ressentis, puis à poser, si nécessaire, des limites plus saines.

Si nous ne sommes pas sur.e.s de ce que nous ressentons, nous pouvons appeler notre parrain/ marraine ou un.e autre membre CODA en rétablissement. Nous pouvons nous poser un instant et nous demander : « De quoi ai-je besoin ici et maintenant ? ». Si nos limites sont inadéquates, nous pouvons les redéfinir. Nous n’avons pas à ressentir de la culpabilité ou de la peur, et si jamais c’était le cas, nous pouvons tout à fait poser une nouvelle limite. Le rétablissement nous enseigne que nous sommes capables de changer. Poser une limite ou en modifier une pour la rendre plus efficace est sain voire nécessaire.

ÉTABLIR SES LIMITES

Pour nombre d’entre nous, établir des limites peut être une expérience nouvelle voire effrayante. Cependant, il est crucial pour notre rétablissement de développer des limites saines. Quand nous sommes disposé.e.s à établir une limite, nous pouvons par exemple considérer la démarche suivante :

Nous déterminons le besoin de créer une limite ou d’en changer une. Nous le faisons en écoutant nos ressentis. Par exemple, si nous nous sentons en colère, utilisé.e.s ou coupables, c’est que nous avons probablement besoin d’établir une limite.

Parfois, nous avons besoin de verbaliser cette limite auprès de la personne concernée, même si en fait c’est surtout vis-à-vis de nous que nous posons cette limite.

Nous écoutons les objections d’autrui, tant qu’elles sont exprimées de manière respectueuse.

En dépit des objections, nous réaffirmons notre limite et nous nous y tenons. Si à l’occasion d’un conflit ou d’un désaccord, nous décidons de reconsidérer une limite, il est utile de le faire à notre rythme, sans influences extérieures.

Voici des exemples concrets de questionnements vécus par des membres CoDA:

Maman me rend visite sans prévenir. Est-ce que cela me convient ? Si non, quelle limite puis-je poser ? Je lui demande de m’appeler 1 heure avant de venir ? Ou 1 journée avant ?
Un ou une ami.e veut que je lui prête de l’argent. Suis-je à l’aise avec ça ? Est-ce que je m’attends à être remboursé.e ? Comment vais-je me sentir si jamais il/ elle ne me remboursait pas ? Suis-je dans la gentillesse ou dans la prise en charge ?
Je suis divorcé.e ou célibataire, et j’ai un « rencard ». Est-ce que je couche dès le 1er rendez-vous ? Est-ce que je respecte mes limites ? Est-ce que je parle de mes limites à mes « partenaires de rencards » ? Est-ce que j’accepte de coucher parce que je me sens « sous pression » de le faire ?
Mon/ ma partenaire est en retard pour le dîner. Est-ce que je passe à table quand même au moment où j’en ai envie ? Ou est-ce que j’attends jusqu’à ce que j’aie trop faim et que j’en nourrisse du ressentiment ?
Mon/ma partenaire a fait une grosse dépense. Avons-nous un accord quant à nos dépenses ? Comment partageons nous et épargnons-nous notre argent ?
C’est toujours la même personne qui modère en réunion CoDA. Est-ce sain ? Puis-je proposer de modérer ? Ou est-ce que je propose une réunion de service pour discuter de la rotation des services ?
Ma réunion commence régulièrement en retard. Est-ce respectueux de nos limites en termes de gestion du temps ? Qu’est-ce qui nous empêche de commencer à l’heure ? Ai-je déjà osé soulever le problème en réunion ?
Je dois partir pour un rendez-vous important, mais une connaissance me fait un monologue sans fin. Est-ce que je continue à gigoter en espérant que l’autre décryptera mon langage corporel ? Ou est-ce que j’attends poliment qu’elle ait fini… tout en me sentant utilisé.e ? Comment est-ce que-je prends soin de moi ?

CONCLUSION

Le plus important dans l’établissement de limites saines, c’est d’écouter nos ressentis et de les faire passer en premier. Avant de nous rétablir, nous avions peut-être laissé d’autres personnes nous contrôler voire nous dominer, et il nous arrivait également d’essayer de les contrôler ou de les dominer. En tant que co-dépendant.e.s en rétablissement, nous devons constamment revisiter nos limites et pratiquer la pose de limites saines.

Au début, ce n’est pas une tâche facile que d’établir des limites saines envers les autres et soi-même. Mais avec la pratique, cela devient de plus en plus simple. Apprendre à poser des limites saines nous aide à nous libérer de ces schémas de codépendance ancrés de longue date. Nous apprenons à prendre soin de nous. Nous trouvons la paix et la sérénité.

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Texte original « Boundaries » sur CoDA.org , traduit et relu par des membres de CoDA France.

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